Dans de nombreux pays européens, les participants à la grève du lait se souviennent des événements de l’époque et de leur importance pour le mouvement des producteurs de lait en Europe aujourd’hui
France : Sylvain Louis, président de l’APLI Nationale
2009 a mené à une prise de conscience pour les éleveurs laitiers que leur production était leur propriété, qu’ils pouvaient épandre leur lait pour dénoncer l’insuffisance du prix d’achat. Un nouveau vocabulaire naissait pour eux : parler de coûts de production, de prix rémunérateurs, de salaires décents, de régulation de la production. Un combat restait à mener pour les années suivantes sans garantie de victoire – mais ne pas se battre, c’était déjà avoir perdu la bataille !
Allemagne : Stefan Mann, président du BDM
Ce qui semblait impossible devenait envisageable. Nous nous souvenons tous avec fierté de ces actions organisées, il y a 10 et 11 ans, par nous, les éleveurs laitiers. Fin mai 2008, notre président de l’époque, Romuald Schaber, déclara à Freising, devant 15 000 agriculteurs réunis qui attendaient son signal, qu’il interromprait dès cet instant ses livraisons de lait. C’était le début de neuf jours de mobilisation sans précédent, d’émotions fortes et d’une perplexité croissante du côté de l’industrie laitière. Nous nous sommes tous dépassés, le sommeil était rare. En plus de l’interruption des livraisons de lait, l’arrêt des flux de lait en provenance des autres pays de l’UE a représenté une tâche particulièrement éprouvante pour les militants engagés dans toutes les régions.
La deuxième phase active des manifestations a eu lieu un an plus tard, à l’automne 2009. Cette fois-ci, elle n’avait pas été déclenchée par nous, en Allemagne, mais par nos amis des pays voisins. Les images devinrent encore plus fortes : souvenez-vous de la grande action d'épandage à Ciney, en Belgique.
Sans ces phases actives des manifestations des éleveurs laitiers, on ne parlerait plus aujourd’hui de la problématique du lait. Il n’y aurait pas de Paquet lait, pas de discussion sur la restructuration future du marché du lait, pas d’enquête sur le secteur laitier par l’Office fédéral allemand de lutte contre les cartels, pas de décisions novatrices de la commission agricole du Parlement européen, on ne débattrait pas d’un élevage laitier économiquement durable ou de bien d’autres sujets.
Nous voulons poursuivre ce que nous avons lancé dans les années 2008/2009, avec nos arguments irréfutables et avec une persévérance que peu auraient imaginée possible. Nous devons toutefois rester prêts à mettre à nouveau à profit la puissance des actions publiques.
Italie : Roberto Cavaliere, membre du Comité directeur de l’EMB et président de l’association italienne APL della Pianura Padana
Nous avons lutté ensemble pour un prix équitable. La grève du lait de l’époque était notre réponse à une politique laitière européenne ratée. Nous avons donc arrêté de produire afin d’exiger des règles plus justes pour le marché du lait.
Luxembourg : association des producteurs de lait LDB
De nombreux agriculteurs luxembourgeois étaient très motivés et se sont joints à la grève. Beaucoup ont déversé leur lait dans leur ferme et se sont rendus en ville, avec du lait dans la citerne à lisier, en direction du Ministère d’État de Jean-Claude Juncker. La solidarité de la population envers les éleveurs laitiers était aussi impressionnante que celle entre les producteurs de lait eux-mêmes. Beaucoup étaient prêts à changer leurs habitudes d’achat et à consommer de manière plus responsable. Cela perdure encore au Luxembourg : les consommateurs veulent des produits régionaux et de saison. Dans l’ensemble, les éleveurs laitiers ont fait changer beaucoup de choses il y a 10 et 11 ans. Ce qui m’a impressionné, c’est de voir autant de personnes dans toute l’Europe unir leurs forces.
Pays-Bas : Sieta van Keimpema, membre du conseil d’administration de l’EMB et présidente du DDB
Nous avons été très déçus par la résistance des coopératives contre leurs propres producteurs. Toutefois, la solidarité entre les producteurs participants était impressionnante.
Autriche : Ernst Halbmayr, chef du projet du lait équitable A faire Milch
J’étais présent en juin 2008 lorsque des milliers d’agriculteurs rassemblés dans un champ en Allemagne, à Freising, ont entendu les mots de Romuald Schaber : « Dès demain, je ne livrerai plus de lait. » En Autriche, nous avions convoqué une réunion de notre comité directeur et nous avons décidé de nous joindre immédiatement au mouvement. Pour beaucoup d'entre nous, c’était sans doute la période la plus émotionnelle et bouleversante de leur vie de producteur de lait. Il est difficile pour qui n’était pas présent de se représenter à quel point ce moment était exaltant. Aujourd’hui, chacun se souvient bien de ses réactions et chacun a sa propre histoire.
Suisse : Werner Locher, secrétaire de BIG-M
La grève du lait en Europe fut une démonstration éclatante de la solidarité entre les agriculteurs. Avec ces différentes actions, nous avons réussi à sensibiliser l’opinion publique à la situation délétère sur le marché du lait. Malheureusement, les conditions cadres n’ont pas fondamentalement changé depuis. Nous avons encore besoin de l’EMB ! Nous, les Suisses, sommes fiers d’appartenir à ce formidable mouvement européen qu’est l’EMB.
Une voix dont de nombreux producteurs de lait auraient souhaité qu’elle puisse engranger encore davantage de succès.
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