C’est la question à laquelle répond une étude confiée par le Ministre de l’Environnement Carlo DI ANTONIO à l’Earth and Life Institute de l’Université catholique de Louvain : Encore plus de qualité dans nos assiettes, une meilleure santé pour les agriculteurs et les citoyens, un environnement plus sain, j’estime en tant que Ministre de la Transition écologique qu’il faut oser réfléchir, sans préjugé ni tabou, à œuvrer à un nouveau système alimentaire pour nous, nos enfants et les générations futures.
A l’occasion de la Foire agricole de Libramont, Carlo DI ANTONIO en présente les premiers résultats.
Cette étude a permis d’évaluer l’intérêt d’un changement de modèle. Les enseignements sont clairs et réjouissants explique le Ministre DI ANTONIO. Les avantages potentiels concernent notamment le revenu des agriculteurs, la qualité de vie dans nos campagnes, notre environnement, l’emploi, l’attractivité de notre territoire et donc le tourisme !
6 enseignements à retenir
- La Wallonie produit largement assez de nourriture pour nourrir sa population ;
- Pas de perte d’emploi : 8 % d’emplois créés dans les scénarios à faibles intrants ;
- Un environnement beaucoup mieux préservé dans les scénarios à bas intrants ;
- Moins de dommages à la santé humaine et une facture en soins de santé diminuée ;
- Gain de valeur ajoutée brute dans le scénario à bas intrants ;
- Une valeur ajoutée réelle plus élevée.
Après le choix d’une agriculture sans OGM fait en 2008, le choix d’une agriculture à faibles intrants externes se passant à terme de pesticides synthétisés chimiquement est défendu par le Ministre DI ANTONIO depuis plusieurs années. En 2014, le Code wallon de l’Agriculture, défendant l’agriculture écologiquement intensive, était adopté à son initiative par le Parlement de Wallonie.
Pour Carlo DI ANTONIO, cette voie donnera aussi à la Wallonie une longueur d’avance lorsque d’autres régions feront le même choix, de manière volontaire ou contraintes par l’évolution des normes. Que cela soit en matière de recherche, de services d’encadrement ou de production d’outillage adapté, la Wallonie doit se positionner comme pionnière d’une production agricole sans pesticides. Cela doit également s’inscrire au sein d’un projet plus vaste de territoire de qualité.
- Suffisamment de nourriture
Les résultats de l’étude indiquent que la pratique de l’agriculture à faible intrants en Wallonie ne pourrait en aucune manière compromettre la sécurité alimentaire wallonne. Ce scénario permet non seulement de nourrir la population wallonne mais également la population bruxelloise.
- L’agriculture à faibles intrants crée 8% d’emplois
Dans les règles actuelles du commerce international, le modèle agro-exportateur n’est pas l’unique solution pour la Wallonie. Pour le Ministre DI ANTONIO, il faut poursuivre et amplifier une politique orientée vers la qualité, dans une logique de souveraineté alimentaire.
Une transition vers l'agriculture à faibles intrants créerait environ 8% d'emplois en plus par rapport au modèle actuel. Même si des emplois dans les secteurs en amont de l’agriculture étaient perdus (ce qui est assez peu probable, car cette industrie est fortement orientée vers l'exportation et parce qu'une partie de celle-ci s’adapterait en produisant des intrants alternatifs), plus d'emplois pourraient être créés dans le secteur agricole.
- Un air et des eaux plus propres, moins de GES
L'agriculture à faibles intrants émet beaucoup moins de polluants que le modèle actuel que nous connaissons : les chiffres du scénario à faibles intrants indiquent une réduction des émissions de polluants atmosphériques acidifiants de 34% et une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 21 %. Un impact positif est également constaté sur la purification de l'eau potable en ce qui concerne les pesticides.
- Les dommages à l’environnement diminués de 37%, une population en meilleure santé
La Wallonie se caractérise par un environnement naturel riche. Cependant, certains atouts de la Wallonie sont mis en péril par les conditions de production et de concurrence dans lesquelles sont placés les agriculteurs wallons. Actuellement, le secteur agricole et les modes de production actuels restent l’un des facteurs explicatifs de la baisse de certains indicateurs de l’état de notre environnement.
Le scénario à faibles intrants diminue les dommages à l’air de 34%, au climat de 21% et à l'eau de 100%. Puisque les dommages environnementaux se traduisent essentiellement par des effets sur la santé humaine (augmentation de la mortalité et de la morbidité, capacité de travail restreinte, augmentation des admissions dans les hôpitaux et des coûts de la santé, etc.), l'agriculture à faibles intrants économise d’après le scénario considéré ici 250 millions d'euros de "valeur de la santé », ce qui est une réduction de 37% par rapport à la situation que nous connaissons aujourd’hui.
- La valeur ajoutée brute (VAB) est augmentée de 13%.
Le modèle actuel a conduit à une disparition d’un grand nombre d’agriculteurs et ne leur permet pas d’avoir un revenu juste pour leur travail et les services rendus à la société. Le secteur agricole poursuit son évolution dans la crise qu’il connait. Pour parvenir à un développement plus durable de la Wallonie, des changements importants sont requis dans les modes de productions et de consommation. Pour le Ministre DI ANTONIO, ces changements ne doivent pas être considérés comme de nouvelles contraintes mais comme une nouvelle opportunité de développement.
La valeur ajoutée brute actuelle du secteur agricole wallon est de 807 millions d’euros, sans compter les aides européennes. Vu l’importance de celles-ci sur le revenu agricole, il s’agit par ailleurs d’un levier potentiel important pour encourager une agriculture à faibles intrants. Un passage à une agriculture à faibles intrants avec une augmentation des prix de 30 % pour prendre en compte la qualité des produits conduirait à une valeur ajoutée brute de 1032 millions d’euros soit une augmentation de 28%. Un travail devra être mené pour une nouvelle organisation des chaines de commercialisation et une meilleure répartition des marges sur la chaîne de valeur afin de permettre une juste rémunération des producteurs sans impacter de manière importante le prix pour le consommateur final.
- La valeur ajoutée réelle du scenario à faibles intrants est positive alors que la valeur ajoutée réelle actuelle est négative
Le scénario à faibles intrants agricoles crée une valeur ajoutée réelle (VAR) beaucoup plus élevée. Le scénario à faibles intrants génère 320 millions d'euros de VAR alors que dans la situation actuelle et dans la limite des hypothèse et données utilisées, la valeur ajoutée réelle du secteur agricole wallon est négative (les dommages environnementaux excédant les bénéfices). Ce calcul montre l'intérêt d’une comptabilité verte en l'agriculture.
Après les constats?
Au-delà de ces constats, cette étude formule plusieurs recommandations pour poursuivre la démarche, dont celle d’associer le monde agricole au processus vu l’ampleur du territoire wallon occupé par l’agriculture, de l’ordre de 45%.
« Une telle évolution ne pourra se faire qu’avec les agriculteurs ! Ils doivent être acteurs de ce changement qui vise aussi à donner un meilleur avenir à leur secteur » partage Carlo DI ANTONIO.
La modification des programmes d’éducation agricole, l’encadrement du secteur et la transmission de l’information aux agriculteurs apparaissent également fondamentaux comme le montrent les exemples français (a contrario), danois, allemands et britanniques, à l’instar de la recherche agronomique et du développement de nouvelles filières.
Enfin, un mécanisme inspiré des accords de branches devrait être mis en place avec les différents secteurs de production de manière à fixer des étapes réalistes ne mettant pas en péril les filières agricoles wallonnes.
Une analyse, filière par filière
Suite à la confirmation de l’intérêt d’un changement de modèle en Wallonie, il a été décidé de poursuivre cette recherche afin de voir comment préparer et accompagner ce changement, en assurant la participation des parties prenantes.
Une nouvelle étude, s’attachant à compléter les travaux menés, à les affiner par secteur de production et surtout à définir un processus de transition impliquant tous les acteurs a été confirmée par le Gouvernement wallon.
FOCUS SUR LA FILIERE CEREALIERE
Les céréales occupent environ 200.000 ha soit 25% de la superficie agricole en Wallonie, suivant la répartition suivant : froment d’hiver (68%), orge d’hiver (16%), épeautre (7%), autres céréales (9%)).
Seulement 9% des céréales produites en Wallonie sont utilisées directement pour l’alimentation humaine. La majeure partie est réservée à l’alimentation animale (46%).
Plusieurs modes de production coexistent en Wallonie :
- L’agriculture biologique (3% de la surface céréalière)
- L’agriculture écologiquement intensive (9% de la surface céréalière)
- L’agriculture conventionnelle raisonnée (71% de la surface céréalière)
- L’agriculture conventionnelle intensive (17% de la surface céréalière)
Si le dernier mode est celui qui dispose du meilleur rendement (10 tonnes/ha), il est aussi celui qui met en œuvre le plus de traitements phytos.
Continuer sur la trajectoire actuelle ne permettra de réduire l’utilisation des produits phytos de seulement 10% d’ici 2050. Par contre, développer le bio pour couvrir 40% des surfaces permettrait de réduire l’utilisation des produits phytos de 70% d’ici 2050.
FOCUS SUR LA PRODUCTION LAITIERE
En 2015, le cheptel laitier wallon s’élevait à 202.825 vaches laitières en production, réparties dans 3966 exploitations détentrices de vaches laitières, soit près de 31 % des exploitations agricoles wallonnes. La quantité de lait produit en Région wallonne s’élevait à 1380 millions de litres, couvrant 100% des besoins en lait pour l’alimentation humaine en Wallonie et à Bruxelles.
La production laitière est inégalement répartie en Wallonie et son importance varie en fonction des régions. Ainsi, la région herbagère liégeoise, la Haute-Ardenne, la Région limoneuse et le Condroz accueillent 70% du cheptel laitier.
La production laitière est majoritairement absorbée par les laiteries du circuit de commercialisation conventionnel (91 % des flux). Cependant, la transformation à la ferme (8%) et les circuits alternatifs (< 1 %) se sont développés au cours des dernières années.
Une diversité de systèmes d’élevage coexistent en Wallonie. Sept systèmes d’élevage ont été référencés selon leur niveau de productivité laitière et la part des différentes cultures dans la superficie dédiée à l’atelier lait. Ces systèmes diffèrent ainsi en termes de productivité, d’utilisation de surface mais aussi en termes d’utilisation d’intrants (aliments concentrés, engrais azotés, et produits phytopharmaceutiques). Leur part a été estimée en s’appuyant sur l’enquête auprès des acteurs de la filière. Les systèmes basés sur l’herbe (herbe extensif, herbe intensif, herbe et cultures diversifiées) concernent 24 % du cheptel laitier wallon. Le reste du cheptel se situe au sein de systèmes utilisant du maïs semi-intensifs et intensifs (respectivement 20 % et 56 % du cheptel).
L’étude indique que privilégier les systèmes herbagers peut permettre de réduire l’utilisation des produits phytos de 50% d’ici 2050 dans la filière laitière.