Veviba est-il le seul abattoir belge à avoir pratiqué la fraude dans ses installations? Une question récurrente ces derniers jours, en fonction des avancées de l’enquête et des débats politiques. Différents bruits ont été lancés plus largement à charge du secteur, sans toujours avoir été recoupés. Une source anonyme nous a rapporté une affaire à charge d’une autre société, Debaenst, à Mouscron, qu’on a pu étayer. Elle date d’il y a un peu plus de cinq ans et concerne une manipulation au niveau des races bovines identifiées, mais elle montre que la problématique ne se limite pas au groupe Verbist.
Debaenst est active à la fois dans l’abattage et la découpe des bêtes, ainsi que la transformation et l’emballage des viandes. Elle se classe au 7e rang des abattoirs wallons avec 9.286 bêtes par an (2016). En octobre 2012, une source interne alerte deux de ses clients, le grand distributeur Colruyt et le hard discounter Lidl, que la société leur a vendu de la viande de bœuf française comme viande belge: du faux blanc bleu belge, en somme. Suite à cela, Lidl réagit, mène sa propre enquête chez Debaenst et, à l’issue de celle-ci, rompt sa relation commerciale avec le prestataire mouscronnois. De son côté, Colruyt ne bouge pas.
Dévoilée par un travailleur du secteur sous couvert de l’anonymat, l’histoire nous est confirmée au siège de Lidl. "Nous avons réalisé un audit sur place à Mouscron, souligne son porte-parole Julien Wathieu. Le problème portait sur le type de race de viande: on nous a présenté une race pour une autre. Ensuite, nous avons retiré les produits concernés de nos magasins et mis un terme à notre coopération avec cette société." Contacté, Colruyt dit n’avoir pas été concerné, car il se contente d’acheter les carcasses: il fait la découpe dans ses propres installations. Il n’a pas décelé de souci à l’estampillage des bêtes à l’époque, dit-il.
Pour Kurt Debaenst, le CEO de la société homonyme, il s’agit d’"une vieille histoire". Il convient avoir arrêté sa relation avec Lidl à l’époque. "Nous étions liés par des contrats de six mois, reconductibles", dit-il. L’origine de la rupture? "Nous avons eu une discussion sur le blanc bleu belge et la couleur de peau" (des bovins). "Ils voulaient avoir uniquement des bêtes de race blanc bleu belge et ont argué qu’il y avait d’autres couleurs dans le lot." Chaque bête est identifiée entre autres par un code couleur, qui figure sur sa carte sanitaire.
Selon Kurt Debaenst, la notion de blanc bleu belge peut s’étendre à des bêtes de couleur différente que celles associées à la race, tels que des taureaux noirs, par exemple. Lidl n’aurait pas voulu transiger sur ce point, ce qui aurait précipité la fin du contrat. Le patron de l’abattoir et atelier de découpe ajoute que son ex-client discutait aussi toujours les prix à la baisse, ce qui confirme que le secteur est soumis depuis des années à forte pression de la part de la distribution.
Et quid du rappel de produits opéré par Lidl? Kurt Debaenst dit ne pas avoir été au courant. "Je ne m’en souviens pas, dit-il. J’aurais dû avoir des retours; je le saurais." Catherine Huyzentruyt, co-dirigeante, affirme quant à elle qu’"il n’y a pas eu de rappel".
À l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), la première réaction est la même que celle de Kurt Debaenst: "c’est très vieux, tout ça", nous y dit-on. Cinq ans, pour rappel, à comparer avec un an et demi pour l’affaire Veviba née au Kosovo. "S’il y a eu rappel de produits, même à la seule initiative d’un client privé, cela a dû passer par l’Agence s’il y avait eu un risque de problème de santé publique.", indique une porte-parole de l’Afsca. Sur le site de l’Agence, on ne trouve aucune mention d’un rappel de ce genre en 2012…
Depuis le déclenchement de l’affaire Veviba, pour rappel, le groupe Ahold Delhaize a redirigé l’activité de découpe qu’il faisait opérer à Bastogne vers la firme Debaenst.