Pour Hélène Ancion, chargée de missions en aménagement du territoire chez Inter-Environnement Wallonie, la spéculation se fait “au détriment de l’agriculture. L’augmentation des prix des terres entraîne l’augmentation des baux à la ferme, et donc l’agriculteur a de plus en plus de mal à rentabiliser ses exploitations.”
Mais tant que le sol continue d’être exploité, le problème ne concerne que la rentabilité pour l’agriculteur. Comme l’explique Zoé Gallez, de l’association Terre-en-vue, l’investisseur va justement privilégier les terrains libres de bail. “Quand il n’y a pas
de bail à la ferme, le prix est plus élevé car le propriétaire peut revendre la terre quand bon lui semble.”
En somme, il peut spéculer comme il le ferait en Bourse. Ainsi, les investisseurs ont tout intérêt à laisser leurs terres sans bail à la ferme, pour gagner plus et plus vite. “Mais heureusement, ce n’est pas encore monnaie courante”, explique-t-elle.
Qui investit alors dans les terres agricoles ?
“Des industries agricoles et générales, d’une part. Et ce, par sécurité. Certains gros fermiers belges, qui veulent continuer à grandir aussi. Et d’autre part, nous remarquons que des investisseurs étrangers, néerlandais et allemands, rachètent des terres en Belgique parce qu’elles sont moins chères que chez eux. Mais après, ils les louent au prix de leur pays”, explique Luc Busschaert, expert agricole indépendant.
"La Flandre est d’ailleurs plus touchée par le phénomène des investisseurs étrangers que la Wallonie", confie M. Busschaert, ce qui explique que le prix de terrains soit encore plus élevé dans le nord du pays. La terre est un investissement qui rapporte. “La motivation des investisseurs, c’est que la valeur agricole n’a jamais baissé”, explique-t-il. Le déséquilibre est donc de plus en plus grave. Une demande en constante hausse, des prix qui suivent donc. Alors que l’offre est stable, cadenassée par le principe de bail à la ferme.
Une hausse des prix qui risque de créer une bulle. Cette bulle pourrait un jour éclater, et la valeur brusquement chuter comme ce fut le cas au Danemark, il y a quelques années. Cette situation est directement en lien avec la baisse du nombre de fermiers et la con- centration des exploitations. Un phénomène dangereux qui dépasse le domaine foncier.